On parle beaucoup de la crise d’adolescence dans nos sociétés, ce passage de la vie d’enfant à la vie d’adulte et les bouleversements psychologiques qui en découlent. Mais on ne parle jamais de la matrescence, une période toute aussi délicate, que les nouvelles mamans traversent avec plus ou moins de facilité. Ma fille a 16 mois aujourd’hui, et je crois que je commence à peine à sortir de ma crise de matrescence. Pour moi, ça a été aussi violent que lors de ma crise d’ado. Et si j’ai pu finalement comprendre ce qu’il m’arrivait, c’est en grande partie grâce à des témoignages de femmes, découverts sur les réseaux sociaux, qui racontaient leur matrescence, leurs difficultés, leurs périodes de grande dépression parfois, cette sensation d’avancer dans un épais brouillard. La solitude qui nous accompagne, et parfois l’incompréhension des proches.
Devenir maman est un bouleversement intense dans la vie d’une femme. Notre corps, notre cerveau, nos priorités, changent ainsi que notre statut. Nous ne sommes plus qu’une seule personne, une petite vie repose désormais sur nous. Cela peut être vertigineux, déroutant, épuisant. Quel est ce corps qui ne ressemble plus à celui auquel j’étais habituée et qui finalement me plaisait à peu près ? Qui est cette personne que je regarde dans le miroir ? Qu’est ce qui l’intéresse aujourd’hui dans la vie ? En tout cas, plus les sorties, plus les fêtes et les soirées jusqu’à 5h du mat. Ce qui l’intéresse, c’est son bébé. Rien que son bébé. Le papa a du mal à la comprendre.
Je crois que personne ne peut nous comprendre, sauf les femmes qui sont passées par là. Ce n’est pas le cas de toutes les mamans d’ailleurs. Parmi celles qui traversent cette crise de matrescence, nombreuses sont celles qui ne savent pas ce qui leur arrive. Elles ont juste l’impression d’être folles, d’avoir un problème, un truc qui ne tourne pas rond.
Je me suis rendue compte de cela dans mon cas. Ne pas comprendre ce qu’il m’arrivait, ce décalage avec le reste du monde, avec mes amis, ma famille, ou mon mari. J’avais l’impression de vivre dans un monde parallèle à celui du reste du monde. De me sentir profondément seule et m’enfermer encore plus dans cette solitude, puisque tout le monde était contre moi. C’était du moins la sensation que j’avais. Je ne comprenais pas comment tous ces gens pouvaient continuer à vouloir faire la fête, dans quel but ? Moi, je voulais juste être avec mes amis les plus proches, faire un bon dîner en petit comité et me coucher vers 23 heures, pour ne pas avoir trop de mal à me lever le lendemain et profiter de mon bébé. Ma vie tournait autour de mon bébé pendant les neuf premiers mois de sa vie, au moins.
Avec la maternité, j’étais (re)devenue un animal, j’étais entièrement guidée par mon instinct.
Ma première photo de maman. Ma préférée. 15.11.2018
Mon mari, fêtard comme jamais, continuait sa vie de “non papa”, il était finalement le même qu’avant. Pourtant, la paternité l’avait changé et bouleversé lui aussi. Ca ne l’empêchait pas d’être un Papa très présent et impliqué dans son rôle. Mais je crois qu’il n’a pas été changé aussi profondément que moi, dans son essence. Lui voulait continuer sa vie d’avant, ce n’était pas un bébé qui allait l’en empêcher. Moi, ma vie d’avant, elle ne m’intéressait plus. Quand je n’étais pas avec mon bébé parce qu’elle dormait ou était avec son Papa, je passais des heures à lire des livres sur l’éducation des enfants, le sommeil du bébé, son alimentation ou encore ses émotions. Je n’ai jamais été aussi impliquée et studieuse de ma vie. Je voulais donner le meilleur à mon bébé, dans tous les domaines. Le moindre “échec” me mettait d’ailleurs dans un état de colère extrême. Je m’en voulais de ne pas y arriver. Aujourd’hui, j’arrive à apprivoiser ces émotions, et mon bébé grandissant, c’est évidemment plus facile. On communique mieux et je connais ses besoins et son rythme.
Avec la maternité, j’étais (re)devenue un animal, j’étais entièrement guidée par mon instinct. Je l’ai d’ailleurs remarqué dès les premières heures avec mon bébé. Aucun problème d’attachement pour moi avec ma fille, malgré une césarienne d’urgence. Je me souviens juste trouver ça totalement normal, d’avoir ce bébé sur moi, de le faire téter. Rien ne m’a paru nouveau ou bizarre. Je pense qu’à partir de ce moment là j’étais complètement guidée par mon instinct. Pour moi, l’amour que j’ai alors ressenti pour ce petit être minuscule a tout de suite été animal, comme une maman lionne avec ses pettis. Je retournais vraiment à l’état sauvage. Difficile d’expliquer cette sensation avec des mots. Quoi qu’il en soit, j’ai eu cette chance de vivre une maternité “facile” car instinctive. Ca ne m’a pas empêchée de me retrouver aspirée par un tourbillon d’émotions, de passer du rire aux larmes en quelques heures seulement, de me sentir perdue, dans mes choix, de parfois devenir folle à force d’entendre les pleurs de mon bébé.
Je crois qu’il faut préparer les mamans et leur dire que tout cela est normal. Qu’elles traversent une période intense et bouleversante dans leur vie. Qu’on ne devient pas maman comme ça, en quelques heures. La matrescence, pour moi, c’est cela. Et il faut accompagner cette étape dans notre vie, l’accepter pour mieux l’apprivoiser et la comprendre. Se faire entourer de personnes bienveillantes, se faire aider si besoin par un thérapeute, mais surtout, il faut en parler. Ne pas rester seule avec ses incompréhensions et ce brouillard au-dessus de la tête. Dehors, le ciel est bien bleu, le soleil est là. Il n’est pas loin, il faut juste trouver le chemin pour l’apercevoir à nouveau.
Je tenais à remercier Clémentine Sarlat, créatrice du podcast “La matrescence”, car c’est grâce à elle que j’ai pu comprendre ce que je traversais, 16 mois après la naissance de ma fille. Je vous invite d’ailleurs à écouter ses podcasts qui sont une vraie mine d’or pour les parents et futurs parents.
Voici également une liste de compte Instagram qui parlent de la maternité et qui ont été pour moi d’une grande aide tout au long de ma maternité :
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[…] dans un nouveau pays a pris du temps. Tout cela alors même que j’étais en plein bouleversement identitaire suite à mon entrée dans la maternité, que je peux aisément aujourd’hui comparer à un tsunami émotionnel qui te soulève, […]